RÉSUMÉ
Le réaménagement de l’Espace Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts, réseau souterrain d’une superficie de 7840 m2 conçu au début des années 1960, participe au grand projet de revitalisation urbain du Quartier des spectacles de Montréal. Véritable point de rendez-vous pour les milliers d’usagers qui y circulent chaque jour dans un mouvement de flux et de reflux, le projet rétablit l’identité de la Place des Arts en tant que complexe culturel d’importance, réorganise et signale les entrées des six salles de spectacle et du Musée d’art contemporain, ainsi que redonne une forte présence à l’entrée principale sur la rue Sainte-Catherine. En réponse à une entrée principale obscure et discrète et un hall dissonant et peu mémorable, l’Espace Georges-Émile-Lapalme adopte une structure qui se déploie et établit une jonction entre divers éléments, tissant parmi les seuils et l’espace des lieux cohérents, compréhensibles et mémorables. Outre la création et le redéploiement de diverses fonctions, l’intervention introduit des éléments architecturaux forts, comme la marquise sur la rue Ste-Catherine, et établit une jonction claire entre les éléments programmatiques en intégrant le multimédia et la signalisation. L’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme fait écho aux caractéristiques intrinsèques et aux principes de conception du complexe de la Place des Arts — importance donnée à la collectivité, ampleur de l’offre culturelle, lieu de vie souterrain et extérieur. L’aménagement du réseau de circulation souterrain et de l’esplanade diffuse l’offre culturelle, oriente et délecte le promeneur. D’un lieu de passage anonyme à un véritable lieu culturel, c’est la rue aujourd’hui qui entre dans l’Espace Georges-Émile-Lapalme et l’anime de ses bruits et de son fourmillement. L’Espace est devenu une place publique intérieure, le Grand Foyer culturel.
Contexte
Situé en plein cœur du Quartier des spectacles sur la rue Sainte-Catherine, le projet de la Place des Arts naît au début des années 1960 du désir de revitalisation du centre-ville, à l’initiative du maire Jean-Drapeau et d’un regroupement de citoyens. Le maire aspirait à créer un espace d’envergure consacré aux arts de la scène et associé au milieu francophone, et ainsi doter Montréal d’infrastructures culturelles modernes et de niveau international. Depuis son ouverture en 1963, la Place des Arts est au cœur de la vie culturelle et artistique de Montréal et s’est imposée comme le plus important complexe culturel au Canada. Tous les ans, elle accueille les événements internationaux parmi les plus importants à Montréal. Délimitée par le boulevard De Maisonneuve Ouest, les rues Jeanne-Mance, Sainte-Catherine et Saint-Urbain, elle est au centre du vaste projet de développement du Quartier des spectacles, qui vise à asseoir la métropole en tant que centre international des arts de la scène. Au cours de ses 45 premières années d’existence, ce complexe culturel a largement profité des nombreuses transformations dont le centre-ville a été l’acteur et le témoin. Celles-ci ont toutefois été la source de nombreux problèmes, notamment la construction d’immeubles en périphérie qui ont nui à sa présence urbaine, à son ouverture et à son identité.
À l’intérieur, le Hall des Pas perdus est devenu l’Espace Georges-Émile-Lapalme, en l’honneur du premier homme politique à occuper le poste de ministre des Affaires culturelles et qui avait fortement soutenu le projet de la Place des Arts. Fonctionnels dès 1972, l’entrée et le hall du complexe culturel donnaient auparavant accès aux nombreuses salles et au réseau souterrain. Certes ils accueillaient les usagers, sans toutefois mettre réellement en valeur l’offre culturelle, que l’on parle des salles de spectacles, de la billetterie, des boutiques, des restaurants ou encore du réseau piétonnier. Cet atrium commercial reliant les lieux aux immeubles avoisinants et au métro avait perdu son identité culturelle forte et, après avoir subi les conséquences d’une accumulation quasi pathologique d’informations et de matériaux qui cohabitent sans harmonie, qui se cannibalisent les uns les autres, le Hall s’est trouvé au cours des années abandonné à la cacophonie et à l’oubli. Il représentait avant tout un lieu de passage pour les trente-cinq mille travailleurs quotidiens et les huit millions de marcheurs, de clients et de spectateurs annuels. Quant à l’entrée principale ouvrant sur la rue Sainte-Catherine, elle avait des allures d’entrée et de sortie de service, et le lieu public qui faisait le lien entre les salles de théâtre, le métro et les commerces était devenu une succession d’espaces sans cohésion.
D’un lieu de passage anonyme à un véritable lieu culturel, c’est la rue aujourd’hui qui entre dans l’Espace Georges-Émile-Lapalme et l’anime de ses bruits et de son fourmillement. L’Espace donne aujourd’hui accès à six salles de spectacle pouvant accueillir 8 000 spectateurs et au Musée d’art contemporain, ces lieux reliés entre eux par un réseau souterrain et une esplanade extérieure. Il est devenu une place publique intérieure, un Grand Foyer culturel, un véritable point de rendez-vous pour les milliers d’usagers qui y circulent chaque jour dans un mouvement de flux et de reflux, comme un cœur qui bat au centre de la ville. À l’instar du réaménagement de l’esplanade, la marquise, l’entrée principale et les espaces de communication ont été redéfinis afin de créer un Grand Foyer culturel convivial mettant en valeur les activités de la Place des Arts. À la rénovation des espaces existants s’est ajouté l’aménagement d’une aire d’exposition, d’espaces d’animation et de services, d’une verrière, d’un accès à l’esplanade et à l’Adresse symphonique, d’une zone multimédia et d’un plan lumière extérieure, confirmant le rôle prépondérant de ce grand complexe culturel dans le Quartier des spectacles de même que sa véritable attraction touristique et citoyenne.
Programme
La structure de l’Espace culturel Georges-Émile Lapalme est fondée sur un plan déployé qui réunifie les éléments programmatiques en intégrant identité, multimédia et signalisation. L’information a été organisée pour en faciliter la lecture et jalonner le nouveau parcours au bénéfice des usagers. L’aménagement du réseau de circulation et des espaces adjacents à l’esplanade, à la salle Wilfrid-Pelletier, aux théâtres Maisonneuve, Duceppe et le Studio-Théâtre, à la Cinquième salle et au Musée d’art contemporain de Montréal diffuse l’offre culturelle, oriente et charme le promeneur. En plus de repenser chacune des entrées des salles, des théâtres et de l’esplanade, le programme a prévu le déplacement de la billetterie et du kiosque d’information, la création d’un nouvel espace aménagé pour des événements publics, la mise en valeur de l’œuvre de Pierre Granche, une vaste verrière ainsi qu’un bistro et un espace d’exposition.
Une nouvelle marquise, s’ouvrant sur la rue Sainte-Catherine, identifie l’entrée principale de la Place des Arts. L’intégration du multimédia dans la vitrine de l’entrée renforce le statut de ce seuil comme adresse principale de la Place des Arts. La marquise possède un toit accessible, en continuation avec l’esplanade, qui peut être utilisé comme perchoir, en ligne avec l’axe historique de la Place et offrant de beaux points de vue sur le complexe lui-même ou sur les différentes scènes des festivals. La perspective est changée, le point de vue renouvelé et l’espace public magnifié. Afin d’éclairer l’espace intérieur, deux puits de lumière ont été prévus. Le premier marque le seuil de la porte sous la marquise alors que le second, jaillissant du bassin existant, souligne le cœur du Foyer, aménagé pour des animations et des spectacles. Dessinés principalement en coupe, ces deux puits fonctionnent ensemble pour permettre aux personnes situées à l’intérieur du bâtiment d’avoir une vue sur l’environnement extérieur. Afin de permettre à ce projet d’atteindre le niveau de clarté et de cohérence digne d’un complexe culturel de cette envergure, l’intérieur du Foyer a été débarrassé de toute information ou de matériaux superflus. Cela a été rendu possible, d’une part, en limitant la quantité de matériaux différents et, d’autre part, en faisant bon usage du multimédia et de la signalisation de façon à rassembler l’information.
Le projet du Grand Foyer culturel, l’intervention principale dans les espaces intérieurs du projet d’une superficie de 7840 m2, rétablit l’identité de la Place des Arts et conduit à la redéfinition et au réaménagement complet du Hall. Outre la création et le transfert de diverses fonctions, l’intervention introduit des composantes architecturales fortes et établit une jonction claire entre les éléments programmatiques.
Le projet Origami, seuil d’environ 100 mc, marque une transition et englobe les murs et les plafonds du lieu, créant une expérience sensorielle enveloppante. Il s’agit d’une intervention en volume qui marque l'entrée de la Salle Wilfrid-Pelletier, un origami de gypse blanc qui envahit la connexion pour lui donner un caractère distinctif. Par sa forme, homogène et atypique, l’objet se distingue des traitements architecturaux du Musée d’art contemporain et du grand foyer culturel. Le traitement volumétrique lui-même, et non une enseigne, signale l'entrée. Plutôt que d’utiliser un affichage ou de la signalétique, la nature même de l’objet devient signal. L’origami est une intervention artistique. L’objet, traversé par le visiteur, le touche sur les plans visuel et sensoriel. Les vitrines – où sont exposés les artefacts reliés aux expositions du Musée d’art contemporain – et l’éclairage existants sont harmonieusement intégrés dans l’œuvre par l’usage de couleurs et de matériaux adéquats.
Pour la signalétique et le branding de l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme, les architectes du consortium se sont adjoints les services de consultants spécialisés : l’Atelier Louis-Charles Lasnier, Anick La Bissonnière, Luc Plamondon, François Roupinian, Éric Villeneuve. Ce réseau de signes et de marqueurs de l’espace est un élément central dans la perception et les sensations que procure le lieu. Ludique, surprenant et éblouissant, il transcende sa vocation informative pour participer pleinement au discours architectural de l’ensemble.
Les visiteurs sont accueillis par une typographie qui ravive les éclairages des anciennes marquises. Des arches colorées marquent le passage entre l’espace public et les salles de spectacles. Les bancs, points de repos et de rencontres, jouent aussi le rôle de panneaux d’orientation et des typographies lumineuses jalonnent le parcours. Un dispositif de miroirs, inspiré du praxinoscope, rend hommage à l’esprit des lieux, tout entier dédié aux arts. Surprenante par son aspect, son positionnement et sa conception, la signalétique joue un rôle majeur, à l’instar de l’impressionnant chiffre 5 marquant l’entrée de la Cinquième Salle. Par un saisissant effet d’anamorphose, le spectateur peut modifier sa perception par son déplacement dans l’espace. La signalétique l’invite à changer son point de vue sur l’espace, fait apparaître au cours de sa déambulation des images inattendues afin créer un rapport sensoriel avec lui.
Concept
Le projet de revitalisation cherchait en premier lieu à rétablir l’identité de la Place des Arts en tant que complexe culturel d’importance ayant une forte présence urbaine. Au cœur du Quartier des spectacles, la Place des Arts s’ouvre sur la rue Sainte-Catherine qui s’anime, selon le cycle des saisons, à l’occasion d’une fête ou d’un événement. Sa nouvelle marquise symbolique, dont la forme rappelle un porte-voix, contraste volontairement avec l’architecture existante, une façon de se différencier par un langage à la fois contemporain et dérivé organiquement des conditions spécifiques du site (mouvement et angles de vision). La marquise s’accorde aux activités culturelles et commerciales du quartier. Son élan a su donner forme à une expression nouvelle des lieux et révéler un espace franc, ouvert sur le monde et à travers lequel des milliers de personnes déambulent, dans des mouvements de foules qui se succèdent et envahissent la rue le temps d’un été, d’un festival ou d’une promenade. Dans un geste urbain qui affermit sa vocation culturelle de premier plan, la Place des Arts se déploie maintenant à l’image de Montréal: belle, agréable, lumineuse.
À l’intérieur, parcourir l’Espace Georges-Émile-Lapalme est une expérience toujours renouvelée, permettant de redécouvrir sans cesse l’espace public. S’inspirant des éléments graphiques et de l’architecture de la Place des Arts, ce concept fait naître un lieu cohérent où le bois, le verre, les panneaux de résine colorés, la céramique et l’aluminium révèlent et illuminent le bâtiment existant. Ponctué de seuils marquant les transitions, sols, murs et plafonds créent des passages sensoriels enveloppants grâce à un système d’éclairage et d’audiovisuel. Espaces aménagés pour les animations et les spectacles, ouvertures liant vie souterraine et extérieure, puits de lumière et mise en valeur des œuvres d’art public concourent ensemble à la réalisation d’un foyer culturel expressif.
À la portée de tous, l’Espace culturel Georges-Émile Lapalme fait écho aux caractéristiques intrinsèques et aux principes de conception du complexe — importance donnée à la collectivité, ampleur de l’offre culturelle, lieu de vie souterrain et extérieur. Signé par le consortium Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes et Provencher Roy + Associés Architectes, l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme marque la renaissance de la Place des Arts. Des perspectives nouvelles, des liens clairs et un geste architectural fort réaffirment la vocation culturelle du lieu. En réponse à une entrée principale obscure et discrète et un hall dissonant et peu mémorable, l’Espace Georges-Émile-Lapalme adopte une structure qui se déploie et établit une jonction entre divers éléments, tissant parmi les seuils et l’espace, tel un fil d’Ariane, un espace cohérent, compréhensible et mémorable.